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Blog polémique et provocateur des doléances du XXIe siècle
20 mars 2006

Quand le jeunesse relève la tête

Les jeunes sont à la mode en ce moment. Cela fait plusieurs mois qu'ils trustent l'actualité.
Pour ouvrir le bal, les stagiaires de "Génération précaire". Ceux-là sont plutôt "haut de gamme", CSP++, et ils dénoncent l'utilisation abusive des stages. Peu nombreux, organisés, apolitique et non-violents, on a peu entendu parler d'eux dans les grands médias. Se sont fait voler la vedette par les "racailles".
Puis viennent les fameuses "racailles". Ils viennent de milieux défavorisés, n'ont même pas accès aux stages, ont plus de boulot avec les agences d'interim qu'avec l'ANPE. Ceux-là sont nombreux, mis sous pression par des conditions sociales ou ethniques particulières. Apolitiques, plutôt mal organisés, ils ont l'incarnation de la violence juvénile. Ils ont fait la une des journaux nationaux et même internationaux. Se sont fait discrets dés que le couvre-feu fut instauré.
On a ensuite eu droit au "connecting people" et à la mobilisation face au projet de loi sur les droits d'auteur, la DADVSI. Là, le contexte est néanmoins différent : ce n'est pas vraiment la jeunesse qui est pris pour cible, mais les vilains pirates qui téléchargent de la musique. La population qui utilisent les logiciels de P2P est tout de même majoritairement jeune. La particularité de cette classe est d'être entièrement interconnectée, via les blogs, les sites d'informations, les forums ... La technique lui a permis d'acquérir une véritable conscience de classe, (ce que Joël de Rosnay appelle le pronétariat). En terme de catégorie sociale, on y trouve de tout. Non-violente, plutôt apolitique à l'origine, cette population est très organisée et regroupe beaucoup de monde, même s'il est difficile de l'éclauer pleinement (entre 150000 (signataires de la pétition d'EUCD.info) et 9 millions (nombres estimés d'utilisateurs du P2P en France). Ceux-là ont réussi une première fois à changer le cours des choses avec le vote surprise de l'amendement sur la licence globale (amendement qui fut par la suite rejeté, mais cette victoire n'est pas à oublier), et cela par un travail démocratique de fond : pétition, courrier aux députés, sénateurs, forums ... Les grands médias ont peu parlé d'eux, mais leur présence était surtout concentrée sur la toile, lieu où leur présence était ultramajoritaire et complétement écrassante (cf la fermeture des commentaires sur www.lestelechargements.com). Ceux-là n'ont jamais véritablement eu la vedette dans les médias nationaux (malgré leur poids démocratique de 9 millions de personnes potentielles), ceux-ci préférant jouer le discours des pauvres maisons de disques face aux vilains pirates.
Pour finir, nous avons aujourd'hui une lame de fond estudantine et lycéenne concernant le CPE. Le gouvernement ne cherche la discussion qu'une fois la loi adoptée et les universités bloquées, montrant là tout son désir de dialogue. Cette population est plutôt CSP+, plutôt de gauche aussi, mais de moins en moins, très nombreuses, rodées aux techniques de bloquage et des grêves. Cette population est soutenue par une large majorité de français, car il s'agit directement de leurs enfants. Leur action est ultra-médiatisée, le spectre de mai 68 et des voltigeurs de Devaquet hantant chaque mouvement étudiant depuis bien longtemps.

Aujourd'hui, la jeunesse ne se définit plus en terme d'âge. Elle se définit en terme de projet d'avenir. Les jeunes ont envie de croire en l'avenir, ont envie d'espérer un monde meilleur, pas seulement pour eux, mais pour tous. Et l'on pourrait définir les vieux comme étant justement ceux qui se sont résignés, qui estiment qu'un monde meilleur est impossible et qu'il vaut mieux profiter pleinement d'avantages que l'on refuse à la jeunesse.
Un pays, une société qui ne croit plus en sa jeunesse est une société qui est voué à l'échec. Une société qui s'oppose aux rêves de sa jeunesse, qui croit mieux savoir que ses jeunes ce qui est bon pour eux, qui ne propose finalement que des restrictions de liberté à des jeunes dont on sait déjà à quel point leur avenir est obscurci, qui dénit complétement à ces mouvements la dimension politique de l'engagement, est une société sclérosée, sur le déclin. On dit de la jeunesse qu'elle ne veut pas s'investir dans la vie publique et politique, mais l'écoute-t-on vraiment quand elle le fait ?

4 jeunesses qui se croisent dans le feu nourri du monde actuel envers ses enfants. Chacune ayant ses forces, ses spécificités, ses réactions épidermiques. Pourtant, si l'on conjugue le déterminisme/désespoir des "racailles", le dévouement des stagiaires, la force de frappe informative des "connecting people" et les techniques de guérillas politique des étudiants, nous avons là tous les ingrédients pour un affrontement de dimension majeure.
Mai 68, c'était la rébellion d'une unique classe sociale, d'un seul esprit de masse. Aujourd'hui, c'est toute la jeunesse dans son ensemble qui peut se retrouver dans l'une et/ou l'autre de ces catégories.
Les vieux doivent entendre la jeunesse. Ils doivent arrêter de considérer qu'un désaccord est forcément dû à quelque manipulation de l'opposition, à un malentendu. Les jeunes d'aujourd'hui savent ce qu'ils veulent bien plus que leurs parents au même âge : pourquoi ne pas les écouter, tout simplement ? Car il faut savoir qu'à chaque sourde oreille, la frustration grandie, d'autant que l'on nous accuse trop facilement d'immobilisme et d'individualisme tout en décrétant un peu trop rapidement que c'est à nous d'assumer la charge des retraites du papy-boom. La température est en train de monter, et toutes les tentatives (et les réussites) de récupération du mouvement anti-CPE ne voient pas que ce mouvement dans ses fondements très proche de celui-ci qui a enflammé les banlieues en fin d'année dernière. Il suffit d'une étincelle pour que toute la jeunesse s'embrase. Les vieux ont encore le choix : continuer d'écouter des politiques carriéristes, qui ont complétement perdu le sens de l'engagement politique intiale, ou bien écouter sa jeunesse qui souffre et qui aimerait qu'on l'écoute davantage. Ce choix dépassent largement les clivages droite-gauche : il dénote d'un véritable acte de foi envers la jeunesse, d'un pari sur l'avenir.

Les jeunes ont enfin réussi à croire en eux, à dépasser le pessimisme ambiant qui prévaut majoritairement dans la population française, n'est-ce pas suffisant pour qu'on les écoute véritablement, pour qu'on les soutiennent dans cette foi, pour qu'on leur passe enfin le relais ?

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Commentaires
J
t'inquietes j'avais compris :)<br /> <br /> Mais tu sais lors de mon dernier stage, j'étais officiellement chargé de promo dans une boîte à priori plutot cool. Et j'peux t'assurer que ces enculés m'ont fait faire de la manut'.<br /> Ca m'a rappelé mes missions d'interim à décharger des caisses chez pernod.
M
Tu as raison. C'est un raccourcis facile. Ce que je souhaitais exprimer, c'était l'idée que les stagiaires le sont rarement sur un poste de manut'. Et travaillant en milieu universitaire, je crois savoir que les stages sont généralement destinés à ceux qui poursuivent un cursus long. <br /> Mais effectivement, il est très maladroit de parler de CSP++. Mea culpa.
J
Salut,<br /> Petite réctification à propos de génération précaire. <br /> Et pour cause, je suis allé manifester plusieurs fois avec eux.<br /> CSP++ ? Je ne crois pas. C'est un sujet assez fédérateur, car tout le monde fait des stages. Evidemment quand je dis tout le monde, je parle des étudiants. Pour le coup tout le monde n'est pas étudiant, mais dans le même temps, tous les étudiants ne sont pas CSP++.<br /> <br /> Si tu vas sur le site tu verras que la revue de presse est assez fournie. Pour un collectif c'est pas mal.
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