lestelechargements.com
Après le camouflet que
vient de subir le gouvernement sur le P2P avec l'adoption de
l'amendement sur la licence légale optionnelle (LGO), on attendait une preuve de cet
esprit d'ouverture, de la remise en question d'un projet trop orienté
en faveur de l'industrie du disque.
Il y a quelques semaine encore,
avant l'adoption surprise de la LGO, le gouvernement n'avait
pas le temps de dialoguer : il fallait agir dans l'urgence pour éviter
les pénalités financières dont nous menaçait Bruxelles. Sur un sujet
aussi compliqué et important que les droits d'auteur, le gouvernement
avait pris le parti de protéger à outrance l'industrie du disque sans
tenir compte de l'avis des consommateurs, de celui de nombreuses
associations, mais aussi celui de nombreux artistes, connus ou méconnus
du grand public.
L'adoption de la LGO fut un véritable
électrochoc. Premier effet immédiat : les "traîtres" de l'UMP qui
avaient voté pour ce système furent promptement invités à ne pas se
présenter à la séance de vote le lendemain et ils furent remplacés par
des députés tout acquis à la cause du parti. Ces nouveaux arrivants
(Panafieu, Wauquiez ...), qui n'étaient pas là au début des
discussions, se retrouvèrent à défendre et à voter un projet de loi
pour lequel ils n'avaient pas jugé nécessaire de se déplacer la veille,
tandis que ceux qui étaient là depuis le début des débats (Boutin ...)
furent vilipendés pour leur liberté de choix face aux consignes du
parti, méthodes que n'aurait pas reniées certaine "démocraties" à l'époque du stalinisme.
Cette façon de faire vivre l'institution qui est le symbole
absolu du pouvoir démocratique en France est assez particulière.
D'autant plus que pour la première fois, des intervenants extérieurs,
sous le prétexte d'une démonstration montrant le fonctionnement du
téléchargement sur les sites légaux, ont pu tenter de soudoyer nos
députés à l'aide de bons permettant le téléchargement
d'une dizaine de titre, tout cela avec la bénédiction du gouvernement qui leur avait donné des badges d'accès avec la mention
"Ministère de la Culture" (*http://www.pcinpact.com/actu/news/Loi_DADVSI_le_direct_a_21h30_et_premier_scandale.htm).
Presque
deux mois plus tard, l'urgence
n'est plus la même. Ceux qui, trois jours avant les discussions de
décembre, justifiaient l'absence de débat par l'imminence d'une lourde
pénalité financière cherchent désormais non seulement le soutien, mais
surtout la pleine adhésion des internautes. Après avoir de nombreuses
fois déclaré que cet amendement
sur la LGO serait revoté (signifiant au passage tout le respect qu'il a de nos repésentants démocratiques, y compris au sein de son propre camp), le gouvernement a cherché à
créer un semblant de dialogue. Pour commencer, ils ont invité des
bloggueurs pour discuter. C'est M. le Ministre de la Culture qui, dés
le début du mois de janvier, entâme le premier l'opération séduction.
Quelques bloggueurs, un représentant du libre ... L'opération de
communication bât son plein, mais elle brasse beaucoup de vide,
essentiellement parceque ces quelques
personnes ne représentent pas du tout la véritable cible du projet
DADVSI, à savoir, les internautes téléchargeurs sur les réseaux P2P. En
focalisant l'attention sur ces personnes, M. le Ministre donne
l'illusion médiatique d'un véritable dialogue. D'ailleurs, les
bloggueurs
eux-mêmes reconnaissent qu'il s'agit avant tout d'une opération visant
à répandre "la bonne parole sur nos blogs" (dixit Vincent,
d'Interprétations diverses
*http://impunite-zero.blogspot.com/2006/01/djeuner-avec-donnedieu-ministre-amer.html).
Ce qui est tout de même intéressant, c'est
de voir un ministre chercher le soutien de la blogosphere. Il s'agit, à
ma connaisance, d'une vraie première pour un ministre en fonction,
preuve s'il en était que, malgré la désinvolture et le mépris subit
depuis des mois sur ce thème, nous avons été entendu et nous avons un poids non négligé.
Néanmoins, je
ne suis pas vraiment persuadé que cette opération de communication ait fonctionné au sein de la blogosphère et des forums de tout poil.
La tentative de récupération de la Communauté (blogosphere + forumeurs) a pourtant
continué. Une table-ronde fut organisée par M. le Ministre de
l'Intérieur ... euh non ... par M. le Président de l'UMP dans un but
d'ouverture et de dialogue. Les Audionautes, EUCD.info, Jamendo et de
nombreux autres y furent invités. Visiblement, il y a bien eu débat,
chacun des intervenants ayant pu exprimer son point de vue (*
http://tariqkrim.blog.lemonde.fr/tariqkrim/2006/01/compte_rendu_de.html),
y compris les artistes et les maisons de disques. Il faut avouer que
nous sommes désormais loin du mépris affiché par le Ministre de la
Culture. De plus, la récupération est moins visible, M. Sarkosy n'ayant pas cherché à mettre sur la touche des
intervenants réellement représentatifs (je pense notamment aux
Audionautes, à EUCD.info et à Jamendo, unique représentant des musiques libres, qui n'avaient pas eu de carton d'invitation
pour les petits fours chez M. Donnedieu de Vabres).
Aujourd'hui, on nous annonce la création du site http://www.lestelechargements.com, qui serait une plate-forme de discussion entre les différents intervenants de l'industrie de la musique (il n'y a pas un seul artiste "connu" à qui cette expression fait grincer des dents ? Non ? Tant pis ...) et les internautes. L'occasion de renouer un dialogue qui avait été rompu (il y a eu une époque où il y avait un dialogue ?). Bien sûr, cet espace de discussion sera modéré. Bien sûr, ce site étant à l'initiative de la SACEM et de la SACD, il n'y a aucun doute à se faire sur la façon dont sera abordé le sujet de la LGO. De là à dire que cette espace de discussion est orienté avant même d'ouvrir, il n'y a qu'un pas. D'un autre côté, quand quelqu'un veut discuter avec vous après l'avoir refusé pendant des mois et des années, que cette personne se déclare ouverte au dialogue, mais seulement selon ses termes, qu'elle peut à tout moment censurer ce qui ne lui convient pas dans la discussion et que cette personne, accessoirement, aimerait bien vous voir au tribunal avec un procès au cul, ça fait réfléchir sur son esprit d'ouverture et son sens de la discussion, non ?
Il existe déjà des dizaines de sites et de forums sur lesquels un débat constructif aurait pu naître depuis longtemps. Si cela n'a pas été fait, c'est bien que cette industrie ne souhaitait pas dialoguer avec ses clients. La DADVSI et les droits d'auteur en général sont probablement le plus gros sujet de discussion sur tous les forums français depuis des mois. Pourquoi attendre l'adoption de la licence globale pour entâmer un dialogue ? L'intention est louable, certes, mais ce vote de nuit, dans l'urgence, à trois jours de Noël, aurait-il permis la naissance d'un débat si la licence globale n'avait pas été adoptée ?
En
fait, j'ai l'impression de revivre le référendum pour la Constitution
Européenne. Quoiqu'on pense de cette Constitution, il me paraît
hautement préjudiciable pour la démocratie que de considérer que les
Français ont mal voté. Si on leur demande leur avis, il faut être prêt
à l'entendre. Et le site lestelechargements.com me donne sacrément
l'impression d'être conçu dans l'optique de convaincre, et non de
dialoguer. Une manière de dire aux 150 000 signataires de la pétition
anti-DADVSI, aux multitudes d'associations et d'entreprises qui ont
choisi de s'opposer à ce projet de loi, aux 13 500 artistes ayant
signé la pétition pro-LGO, mais aussi à la majorité de nos
députés présents lors des débats qu'ils se trompent et qu'on va leur
montrer pourquoi, alors même que les débats ont déjà eu lieu à l'Assemblée. Ce n'est pas ma conception du dialogue.
Ce site arrive trop tard, le mal est fait depuis longtemps et la confiance, inexistante de part et d'autre.
La remise en question de l'adoption démocratique d'un amendement
pourtant donné perdant, la négation des dizaines de milliers de
signatures des différentes pétitions, des jugements
pourtant souvent favorables aux internautes, l'emploi d'un vocabulaire
normalement employé en temps de guerre pour qualifier les relations
clientèles de cette industrie, la volonté exprimée de préférer le
procés au dialogue durant des années, les menaces, les insultes envers
leurs clients qui les font pourtant vivre, les gardes à vue, les
problèmes du téléchargement légal (interopérabilité, prix exhorbitants
pour de la musique dématérialisée ...) ont eu raison de ma confiance et
c'est pourquoi je ne crois pas un seul instant dans la réalité d'un
dialogue sur le site lestelechargements.com
Il reste donc deux
options : le boycott du site ou la logique du "c'est mieux que rien"
qui semble définir au mieux ce gouvernement jusqu'à présent.
Pour
ceux qui ont encore une bribe de confiance dans cette industrie et qui
seraient donc prêt à dialoguer sur ce site, je conseille de copier
chaque message envoyé, de conserver précieusement les copies et de créer par la suite un site qui regrouperait tous les messages censurés. De cette
manière, nous pourrons voir la censure s'opérer et constater la réelle
nature de ce site (propagande ou dialogue).
Le Ministère de la
Culture,le gouvernement et l'industrie du disque ont décidé cette
initiative ensemble. C'est pourquoi je terminerai en m'adressant
solennellement à eux (je préfére passer par ce texte que par votre
site, sans doute par peur d'être censuré) :
Visiblement,
le gros
problème de la licence légale optionnelle serait le mode de répartition
de cette manne financière. Pourtant, la notion de forfait existe déjà
dans le cinéma (carte UGC-illimitée) et cela ne pose pas de problème de
répartition. Pourtant, des forfaits de téléchargement légaux illimités
existent déjà aux Etats-Unis (et il s'agit principalement des mêmes
catalogues que ceux des maisons de disques qui cherchent actuellement à discréditer
la LGO en France), et cela ne pose pas de problème de répartition. Ma question
est la suivante : si la répartition est vraiment le seul problème que quelques artistes et les maisons de disque voient en la LGO , pourquoi
l'Etat ne considére-t-il pas que cela est finalement de son ressort, de
sa mission de service public, et
ne propose-t-il pas son systéme de P2P, spécialement conçu pour établir
des statistiques afin de permettre au mieux une répartition équitable ?
La question des moyens alloués est superflue : à l'heure actuelle, ces
affaires de téléchargements mobilisent nombre d'enquêteurs et surchargent
des tribunaux qui n'en auraient vraiment pas besoin.
Ce serait une bonne façon de concilier les points de vue, d'arrêter
d'opposer les internautes à l'industrie du disque, mais surtout aux
artistes, qui se retrouvent du coup entre le marteau et l'enclume. A
mon sens, ce serait également un moyen pour le gouvernement de
contrôler cette fameuse LGO, de dépénaliser le P2P tout en montrant qu'il n'est effectivement
pas aussi anti-jeune qu'il le laisse paraître.
Cela
redonnerait aussi l'espoir de voir ce conflit s'arréter un jour, car la
DADVSI ne stoppera pas la chute des ventes de disques, c'est complétement illusoire de
le croire. Au contraire, près
de 8500 personnes ont déjà signé une pétition visant à boycotter
les majors (*http://www.odebi.org/boycothon/) et, avec l'explosion des
sites de ventes d'occasion et de la musique libre, ce chiffre pourrait à l'avenir sans peine
se rapprocher des 150 000 signatures de particuliers contre la DADVSI,
sans véritable préjudice musical pour les mélomanes, mais causant ainsi
un véritable cataclysme pour l'industrie du disque, et ce, en toute légalité !
Cela
montrerait enfin la volonté politique de concilier les points de vue,
et particulièrement ceux de leurs électeurs, tout en revalorisant la
nature
démocratique que perd chaque jour notre pays dans cette affaire.